[Portrait 14] Jonathan Hugues, ingénieur de recherche spécialisé en fabrication additive métallique

L’IRT Saint Exupéry réalise une série de portraits consacrés à ceux qui l’incarnent le mieux : ses chercheurs. Leurs compétences de haut niveau et leurs riches expériences contribuent fortement à sa performance et à son positionnement unique si crucial pour ses membres et ses partenaires.

Jonathan Hugues, 33 ans, est ingénieur de recherche spécialisé en fabrication additive métallique. Ce passionné de recherche met à profit ses connaissances pour la montée en maturité des matériaux au service des enjeux de demain.

Peux-tu nous présenter ton parcours ?

J’ai toujours eu cette volonté d’en savoir plus sur la matière. Alors, après mon bac scientifique, je me suis dirigé vers une classe préparatoire aux grandes écoles dans le but d’intégrer une école d’ingénieur. En fin de prépa, intégrer l’ENSIACET s’est avéré être mon objectif principal. J’y ai trouvé un super compromis avec une ville qui m’attirait, Toulouse, et une filière qui me passionnait.
J’y ai donc réalisé mon cursus d’ingénieur, au sein du département matériaux. Même si l’on a déjà tous plus ou moins conscience de la matière qui nous entoure, cela m’a permis d’élargir mes horizons : quels sont les matériaux utilisés ?, comment sont-ils mis en forme ?, quelles sont les problématiques associées ? Être dans cette école m’a également permis de découvrir le milieu de l’aéronautique.

J’avais plutôt un profil recherche, ce qui m’a conforté dans l’idée de continuer mon aventure. J’ai commencé ma thèse en 2011, axée sur les problématiques d’applications structures et problèmes de vieillissement des matériaux pour l’aéronautique. C’était une thématique de recherche assez pointue, mais la participation d’industriels tels qu’AIRBUS et Aubert & Duval m’a permis de poser un premier pied dans l’industrie. C’était très formateur.
En fin de thèse, les premiers sujets de fabrication additive sont arrivés sur le coin de ma table, j’ai commencé à y travailler : qu’est-ce que c’est ?, quels sont les débouchés ?, qui sont les premiers industriels intéressés ?, etc. A cette époque c’était encore obscur pour moi !

Comment as-tu intégré l’IRT Saint Exupéry ?

J’étais en post-doctorat au CIRIMAT lorsque j’ai eu l’occasion de participer au montage d’une plateforme de recherche sur la fabrication additive avec mes directeurs de thèse. C’était pour moi une toute nouvelle expérience, qui sortait du cadre recherche. À cette époque, et face aux difficultés que nous rencontrions pour développer une plateforme de cette taille, nous nous sommes tournés vers l’IRT Saint Exupéry pour développer notre idée. La fabrication additive faisait déjà partie de la feuille de route de l’IRT et c’est ainsi que j’ai été embauché, notamment pour monter les futurs projets sur cette thématique qui sont aujourd’hui les projets ANDURRO et DEPOZ.

Quel est ton rôle au sein de l’IRT Saint Exupéry ?

J’ai eu la chance de couvrir un spectre assez large d’activités en peu de temps. J’ai été embauché en tant qu’ingénieur de recherche mais un de mes objectifs était également de faire évoluer l’activité fabrication additive.
J’ai travaillé dans un premier temps au sein du projet METALTECHNICS, puis ai rapidement côtoyé l’équipe Business Development dans la cadre d’un travail conjoint avec Céline Larignon et Simon Perusin pour le montage des projets ANDURRO & DEPOZ. J’ai donc poursuivi mon poste d’ingénieur de recherche en tant que responsable de lots, puis chef de projet en intérim sur une période.
Je garde mon ADN d’ingénieur de recherche, tout en ayant un intérêt particulier pour les aspects annexes de gestion et de développement. C’est très formateur.
J’ai également encadré la thèse d’Antoine Casadebaigt qui portait sur des problématiques d’oxydation des alliages de titane (TA6V) fabriqués par EBM ou LBM, dans le cadre d’un partenariat avec le CIRIMAT, laboratoire voisin spécialisé dans les matériaux, avec qui nous sommes toujours ravis de collaborer. Encadrer une thèse est un travail relativement conséquent, mais la collaboration et les échanges avec un doctorant sont très gratifiants.

Peux-tu nous parler des projets andurro & depoz ?

Il y a un lien fort entre ces deux projets, on en parle souvent « en duo ». Même s’ils sont relativement proches, les technologies utilisées sont différentes et ont également des degrés de maturité différents.

Sur ANDURRO, on parle de fabrication additive par fusion de lit de poudre, procédés qui ont une maturité assez importante surtout le LBM. C’est une technologie qui nous permet de faire des petites pièces très complexes, qui apporte beaucoup de valeur ajoutée en termes de design. Sur DEPOZ, on parle de dépôt de poudre : cette technologie est un peu plus jeune et doit encore faire ses preuves. Elle permet de fabriquer des pièces moins complexes mais offre des dimensions et des capacités de production beaucoup plus importantes et ouvre beaucoup de perspectives dans le domaine du rajout de fonctions et de la réparation.

Projet ANDURRO (2016-2021)

Membres Insdustriels : Airbus, Airbus DS, Altran, Daher, Element, Fusia, Latécoère, Lauak, Liebherr, Laam, Mecaprotec, Oerlikon, Prismadd, Satys, Safran, Stelia
Membres Académiques : I2M [5], CIRIMAT [6], LGP [7]

Projet DEPOZ (2016-2021)

Membres Industriels : Airbus, Altran, BeAM Element, Irepa Laser, Latécoère, Lauak, Liebherr, Mecaprotec, Oerlikon, Poly-Shape, Prismadd, Satys, Safran, Timet
Membres Académiques : CIRIMAT

Ces deux projets présentent pour dénominateur commun l’étude du comportement des matériaux (alliages base Nickel, Titane ou Aluminium) hérité des paramètres procédés. C’est un passage obligé qui permettra à l’industrie aéronautique et spatiale d’envisager ces technologies pour la fabrication de composants critiques, c’est-à-dire des pièces fortement sollicitées et qui en cas de défaillance peuvent remettre en cause l’intégrité de n’importe quel aéronef.
Dans le cadre de mes activités, je me concentre donc sur la montée en maturité des matériaux et les problématiques de métallurgie, notamment la formation de microstructures qui peuvent être complexes de par leur taille, leur morphologie et leur évolution.

Quels sont les premiers résultats du projet Andurro ?

Nous étudions entre autres le comportement du matériau sous sollicitation et sous vieillissement, en simulant les conditions réelles d’utilisation de la pièce tout au long de sa vie. Qu’advient-il de ces microstructures issues de la fabrication additive après quelques milliers d’heures d’utilisation à hautes températures ? Ce sont des résultats rares.
Nous sommes énormément montés en compétences en interne et réalisons la plupart de ces tests sur nos propres équipements. Le but est de pouvoir réaliser à terme des essais qui ne sont pas courants dans les laboratoires de type industriel, pour étudier les phénomènes qui sont essentiels à la compréhension du comportement de la matière.
Cela nous permet de donner aux industriels les éléments essentiels de décision pour les futurs composants qui seront montés sur avion ou sur satellite par exemple.

La fabrication additive est-elle toujours une priorité pour les industriels face a la crise de la covid-19 ?

Oui bien sûr, la fabrication additive a sa place. La technologie dépôt de poudre par exemple peut être une réponse aux grands enjeux sociétaux actuels : la sobriété énergétique et de consommation. Au lieu de partir d’un gros disque sur lequel on vient jeter 90% de la matière, on construit avec une consommation de matière et d’énergie plus faible.
C’est également un formidable outil pour l’optimisation des procédés et pas uniquement pour l’aéronautique. Tous les moteurs de Formule 1 possèdent aujourd’hui des pièces en fabrication additive notamment les injecteurs, ce qui a permis d’atteindre des rendements moteur de l’ordre de 50%.

Le mot de la fin ?

Mon mot de la fin c’est quelque chose que j’ai justement beaucoup partagé avec Antoine : un résultat négatif n’est pas un mauvais résultat (et en ce moment encore moins rires). Le chercheur adore le résultat hors du commun. Mais parfois malheureusement ce n’est pas le cas. Alors oui c’est décevant sur le moment, mais ce n’est pas mauvais. Ce résultat-là, il faut le décortiquer, faire jouer son esprit critique pour en sortir la quintessence, pour en tirer tout ce que l’on peut en dire. Ce n’est parfois pas beaucoup pour nous, mais pour d’autres ce sera le cas. Cela marche dans la vie comme dans beaucoup de choses, on peut tirer un enseignement d’un résultat négatif.

PUBLICATIONS

High temperature oxidation and embrittlement at 500–600 °C of Ti-6Al-4V alloy fabricated by laser and electron beam melting. A. Casadebaigt, J. Hugues, D. Monceau. In Corros. Sci. (2020), p. 108875


Phase Transformation in Ti64 alloy elaborated by powder bed fusion. C. Dupressoire, J. Alexis, J. Dehmas, J. Hugues. In EUROMAT (2019)Influence of Microstructure and Surface Roughness on Oxidation Kinetics at 500–600 °C of Ti–6Al–4V


Alloy Fabricated by Additive Manufacturing. A, Casadebaigt, J. Hugues, D, Monceau. In Oxid Met 90, 633–648 (2018)


Influence of alternative post-treatment on the microstructure of alloy Ti64 elaborated by additive layer manufacturing. J. Hugues, C. Larignon, S. Perusin, B. Max. Congrès A3TS – Traitements sur pieces métalliques issues de fabrication additive (2017)


[1] École Nationale Supérieure des Ingénieurs en Arts Chimiques Et Technologiques

[2] Centre interuniversitaire de recherche et d’ingénierie des matériaux

[3] Electron Beam Melting

[4] Laser Beam Melting

[5] Institut de mécanique et d’ingénierie Bordeaux (Université De Bordeaux/Arts et Métiers ParisTech/ INRAE/CNRS/Bordeaux INP Aquitaine)

[6] Centre Inter-universitaire de Recherche et d’Ingénierie des Matériaux (Université Paul Sabatier/INPT/CNRS)

[7] Laboratoire génie de production (Ecole nationale d’ingénieurs de Tarbes – ENIT)

[Portrait 14] Jonathan Hugues, ingénieur de recherche spécialisé en fabrication additive métallique
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